Page:Defoe - Robinson Crusoé, Borel et Varenne, 1836, tome 2.djvu/230

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et à se marier dans les formes dès que tel serait mon plaisir ; car ils étaient bien éloignés de souhaiter de se séparer de leurs femmes, et n’avaient eu que des vues honnêtes quand ils en avaient fait choix. J’arrêtai alors qu’ils viendraient me trouver le lendemain matin, et dans cette entrefaite qu’ils expliqueraient à leurs femmes le sens de la loi du mariage, dont le but n’était pas seulement de prévenir le scandale, mais de les obliger, eux, à ne point les délaisser, quoi qu’il pût advenir.

Les femmes saisirent aisément l’esprit de la chose, et en furent très-satisfaites, comme en effet elles avaient sujet de l’être. Aussi ne manquèrent-ils pas le lendemain de se réunir touts dans mon appartement, où je produisis mon ecclésiastique. Quoiqu’il n’eût pas la robe d’un ministre anglican, ni le costume d’un prêtre français, comme il portait un vêtement noir, à peu près en manière de soutane, et noué d’une ceinture, il ne ressemblait pas trop mal à un parleur. Quant au mode de communication, je fus son interprète.

La gravité de ses manières avec eux, et les scrupules qu’il se fit de marier les femmes, parce qu’elles n’étaient pas baptisées et ne professaient pas la Foi chrétienne, leur inspirèrent une extrême révérence pour sa personne. Après cela il ne leur fut pas nécessaire de s’enquérir s’il était ou non ecclésiastique.

Vraiment je craignis que son scrupule ne fût poussé si loin, qu’il ne voulût pas les marier du tout. Nonobstant tout ce que je pus dire, il me résista, avec modestie, mais avec fermeté ; et enfin il refusa absolument de les unir, à moins d’avoir conféré préalablement avec les hommes et avec les femmes aussi. Bien que d’abord j’y eusse un peu répugné, je finis par y consentir de bonne grâce, après avoir reconnu la sincérité de ses vues.