Page:Defoe - Robinson Crusoé, Borel et Varenne, 1836, tome 2.djvu/353

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Il faut que je l’avoue, je n’étais pas alors à mon aise, et je m’estimais, depuis que j’avais échappé aux chaloupes dans la plus dangereuse position où je me fusse trouvé de ma vie ; en quelque mauvaise passe que j’eusse été, je ne m’étais jamais vu jusque-là poursuivi comme un voleur ; je n’avais non plus jamais rien fait qui blessât la délicatesse et la loyauté, encore moins qui fût contraire à l’honneur. J’avais été surtout mon propre ennemi, je n’avais été même, je puis bien le dire, hostile à personne autre qu’à moi. Pourtant je me voyais empêtré dans la plus méchante affaire imaginable ; car bien que je fusse parfaitement innocent, je n’étais pas à même de prouver mon innocence ; pourtant, si j’étais pris, je me voyais prévenu d’un crime de la pire espèce, au moins considéré comme tel par les gens auxquels j’avais à faire.

Je n’avais qu’une idée : chercher notre salut ; mais comment ? mais dans quel port, dans quel lieu ? Je ne savais. — Mon partner, qui d’abord avait été plus démonté que moi, me voyant ainsi abattu, se prit à relever mon courage ; et après m’avoir fait la description des différents ports de cette côte, il me dit qu’il était d’avis de relâcher à la Cochinchine ou à la baie de Ton-Kin, pour gagner ensuite Macao, ville appartenant autrefois aux Portugais, où résident encore beaucoup de familles européennes, et où se rendent d’ordinaire les missionnaires, dans le dessein de pénétrer en Chine.

Nous nous rangeâmes à cet avis, et en conséquence, après une traversée lente et irrégulière, durant laquelle nous souffrîmes beaucoup, faute de provisions, nous arrivâmes en vue de la côte de très-grand matin, et faisant réflexion aux circonstances passées et au danger imminent auquel nous avions échappé, nous résolûmes de relâcher