Page:Defoe - Robinson Crusoé, Borel et Varenne, 1836, tome 2.djvu/399

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pecté comme un roi, il était toujours environné de ses gentilshommes, et entouré d’une telle pompe que je ne pus guère l’entrevoir que de loin ; je remarquai toutefois qu’entre touts les chevaux de son cortége il n’y en avait pas un seul qui parût valoir les bêtes de somme de nos voituriers anglais ; ils étaient si chargés de housses, de caparaçons, de harnais et autres semblables friperies, que vous n’auriez pu voir s’ils étaient gras ou maigres : on appercevait à peine le bout de leur tête et de leurs pieds.

J’avais alors le cœur gai ; débarrassé du trouble et de la perplexité dont j’ai fait la peinture, et ne nourrissant plus d’idées rongeantes, ce voyage me sembla on ne peut plus agréable. Je n’y essuyai d’ailleurs aucun fâcheux accident ; seulement en passant à gué une petite rivière, mon cheval broncha et me désarçonna, c’est-à-dire qu’il me jeta dedans : l’endroit n’était pas profond, mais je fus trempé jusqu’aux os. Je ne fais mention de cela que parce que ce fut alors que se gâta mon livre de poche, où j’avais couché les noms de plusieurs peuples et de différents lieux dont je voulais me ressouvenir. N’en ayant pas pris tant le soin nécessaire, les feuillets se moisirent, et par la suite il me fut impossible de déchiffrer un seul mot, à mon grand regret, surtout quant aux noms de quelques places auxquelles je touchai dans ce voyage.

Enfin nous arrivâmes à Péking. — Je n’avais avec moi que le jeune homme que mon neveu le capitaine avait attaché à ma personne comme domestique, lequel se montra très-fidèle et très-diligent ; mon partner n’avait non plus qu’un compagnon, un de ses parents. Quant au pilote portugais, ayant désiré voir la Cour, nous lui avions donné son passage, c’est-à-dire que nous l’avions défrayé pour l’agrément de sa compagnie et pour qu’il nous servît d’interprète,