Page:Defoe - Robinson Crusoé, Borel et Varenne, 1836, tome 2.djvu/438

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nous nous mîmes à la travailler : d’abord nous la barbouillâmes du haut en bas, ainsi que son accoutrement, avec du goudron, et certaine autre matière que nous avions, composée de suif et de soufre ; nous lui bourrâmes ensuite les yeux, les oreilles et la gueule de poudre à canon ; puis nous entortillâmes dans son bonnet une grande pièce d’artifice, et quand nous l’eûmes couverte de touts les combustibles que nous avions apportés nous regardâmes autour de nous pour voir si nous pourrions trouver quelque chose pour son embrasement. Tout-à-coup mon serviteur se souvint que près de la hutte il y avait un tas de fourrage sec, de la paille ou du foin, je ne me rappelle pas : il y courut avec un des Écossais et ils en apportèrent plein leurs bras. Quand nous eûmes achevé cette besogne nous prîmes touts nos prisonniers, nous les rapprochâmes, ayant les pieds déliés et la bouche débaillonnée nous les fîmes tenir debout et les plantâmes juste devant leur monstrueuse idole, puis nous y mîmes feu de tout côté.

Nous demeurâmes là un quart d’heure ou environ avant que la poudre des yeux, de la bouche et des oreilles de l’idole sautât ; cette explosion, comme il nous fut facile de le voir, la fendit et la défigura toute ; en un mot, nous demeurâmes là jusqu’à ce que nous la vîmes s’embraser et ne former plus qu’une souche, qu’un bloc de bois. Après l’avoir entourée de fourrage sec, ne doutant pas qu’elle ne fût bientôt entièrement consumée, nous nous disposions à nous retirer, mais l’Écossais nous dit : — « Ne partons pas, car ces pauvres misérables dupes seraient capables de se jeter dans le feu pour se faire rôtir avec leur idole. » — Nous consentîmes donc à rester jusqu’à ce que le fourrage fût brûlé, puis, nous fîmes volte-face, et les quittâmes.

Le matin nous parûmes parmi nos compagnons de