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Page:Deguise - Hélika, mémoire d'un vieux maître d'école, 1872.djvu/64

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HÉLIKA.

« Le missionnaire, continua Anakoui, chargé par toi de retirer les fonds pour procurer le confort aux deux femmes laissées sans autres secours que la procuration que tu lui donnais, n’est pas revenu s’asseoir dans nos foyers. Elles ont donc manqué de tout et le père à la Robe Noire ignorait tous ces faits, tu vas le voir dans la prison où il est venu d’après l’ordre de l’Évêque, son grand chef, consoler et prendra soin des malheureux prisonniers.

« Maintenant, mon frère, ne m’interromps pas, les moments sont précieux.

« Pendant trois mois, les deux pauvres femmes essuyèrent toutes espèces de misères et de privations et ne durent leur subsistance qu’à la charité des sauvages dont les bras débiles ne pouvaient plus porter les armes et qui pourtant avaient été préposés aux soins des femmes et des enfants. Enfin Attenousse arrivé, l’abondance régna dans leur cabane, il pourvut amplement à leur bien-être et ce ne fut que deux ans après ton départ, n’ayant reçu aucune nouvelle de toi, malgré les informations toujours infructueuses que nous apprîmes de toutes parts, que se trouvant seule, isolée et sans protection sur la terre, te croyant mort, Angeline consentit à épouser l’unique homme qu’elle eut jamais aimé après toi. Cet homme c’est Attenousse. »

Puis, comme s’il eût craint d’exciter ma colère, Anakoui ajouta : « Remarque que c’est la seule chose qu’elle ait fait sans ta permission et c’était pour se débarrasser des persécutions de l’infâme Paulo qui la tourmentait sans cesse dans les moments où Attenousse et sa mère s’absentaient.

« Tout alla pour le mieux dans le jeune ménage. Deux ans et demi après leur union, une petite fille est venue prendre place auprès d’eux. Cette enfant est une fleur que les femmes se passaient tour à tour pour l’embrasser. La mère, la grand-mère, la pressaient à tous moments dans leurs bras. Ils étaient alors heureux et rien ne venait troubler leur bonheur, Paulo étant disparu ; mais le génie du mal dont il était l’instrument planait sur la demeure de nos amis.

« Il y a, comme tu le sais, à une quinzaine de lieues du campement, une rivière qu’on appelle la Rivière aux Castors. Ses bords sont très giboyeux. La martre, le vison, le pékan et le loup-cervier s’y trouvent en abondance. Parfois aussi, l’ours et l’orignal viennent se désaltérer dans le cristal de ses eaux. Tu connais d’ailleurs tout cela.

« Un jour Attenousse, avec un de ses amis, résolut d’aller y chasser pendant quelque temps. Ces deux hommes s’aimaient réciproquement et sans arrière-pensée.