Page:Delâtre - L’Égypte en 1858.djvu/62

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tion dans ces âmes stupides. Le scheikh El-Arouzy accorda une permission tacite et promit de ne rien dire, pourvu qu’on se conduisît avec prudence. C’est ce qu’on fit, et tout marcha au gré de Clot-Bey.

L’école fournit bientôt des médecins à l’armée, et on ne put plus, comme autrefois, attribuer la mortalité à un trop petit nombre de médecins. Néanmoins, elle continuait toujours dans les mêmes proportions, et les cas de maladies se maintenaient au même chiffre qu’auparavant. La syphilis surtout faisait des ravages effrayants. Il faut savoir que presque tous les soldats de Méhémet-Aly étaient mariés, et que les camps se composaient d’autant de femmes que d’hommes, sans compter une multitude d’enfants.

Méhémet-Aly, profondément affligé d’un pareil état de choses, fit appeler Clot-Btey et lui demanda comment il se faisait que, malgré le nombre suffisant de médecins, l’état sanitaire de l’armée ne s’améliorait pas.

— Je n’y puis rien, répondit Clot-Bey.

— Rien ? qu’est-ce donc que votre science tant vantée ?

— Je ne puis arrêter le mal, puisque je ne puis traiter les femmes qui en sont la cause. Je guéris un homme, il voit sa femme, le lendemain le voilà malade de nouveau. C’est la toile de Pénélope.

— Donnez-moi un conseil.

— Puisque les préjugés du pays s’opposent à ce qu’une femme se laisse toucher par un autre homme que son mari, il faut former des femmes-médecins exclusivement destinées à soigner les personnes de leur sexe.

Le conseil était bon, mais il rencontrait de grandes difficultés. Les mêmes préjugés qui ne permettaient pas qu’un médecin visitât une femme, s’opposent à ce qu’une femme arabe étudiât la médecine.

Forcé de renoncer aux Arabes, Clot-Bey se retourna vers les négresses et les Abyssiniennes. Ces filles suivirent un cours d’étude régulier, apprirent la langue française et toutes les parties de l’art que l’on jugea nécessaires à l’armée ; mais