Page:Delécluze - Romans, contes et nouvelles, 1843.djvu/157

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Jean, qui reçut le souffle prophétique de Dieu, et la vérité n’a fait que passer par ma bouche. Mais, ajouta bientôt le pasteur, en trahissant par un éclair de ses yeux l’indignation qu’il éprouvait, si la sublimité de ce langage pouvait laisser encore un faible voile sur la vérité, déchirons-le. Oui, mes frères, cette reine de Babylone, cette grande prostituée, cette femme enfin qui se promène sur sept collines, traînée par la bête immonde, elle existe, elle vit, elle règne à Rome en ce moment ! Qui ne connaît pas cette épouvantable histoire ? qui n’a pas entendu parler de l’infâme Olimpia Maldachini ?... »

À peine ce nom eut-il été prononcé, que le pasteur, favorisé par l’indignation devenue générale, s’emporta avec une fureur sans bornes contre la cour de Rome. Faux ou vrais, tous les détails scandaleux débités dans les satires et les libelles furent reproduits en cette occasion, et il ne fallut rien moins que l’excès auquel la haine contre le papisme était portée dans tous les esprits à Genève, pour que les femmes réunies alors au temple aient pu entendre sans rougir ce qui y fut dit.

Cette tempête d’anathèmes et d’injures dura assez longtemps ; et pendant le bouillonnement de joie haineuse, mais comprimée, qui agitait sourdement le cœur des calvinistes, on imaginera, s’il est possible, quel devait être l’état où se trouvaient l’abbé Segni et M. de Beauvoir, se serrant l’un près de l’autre, derrière le pilier qui leur servait alors d’abri et de soutien. Enfin le gros de l’orage étant passé, le pasteur Diodati acheva sa péroraison d’une manière moins fougueuse, mais sans abandonner Olimpia, qu’il tenait comme une proie ; et il prononça ces dernières paroles, tirées de l’Apocalypse, auxquelles il sut encore donner, par son accent et son geste, la vivacité et toute la violence d’un anathème direct.

« Maintenant vous connaissez tous la reine de Babylone, mes frères, dit-il ; eh bien ! elle va tomber, et Babylone avec elle, parce qu’elle est devenue la demeure des démons, parce qu’elle a fait boire à toutes les nations le vin de sa colère et de sa prostitution, parce que les rois se sont