Page:Delécluze - Romans, contes et nouvelles, 1843.djvu/199

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digua mille tendresses à Camille auprès duquel elle s’était placée. « Allons, mon cher Camille, parlons raison maintenant et sans détours, lui dit-elle ; n’as-tu pas compris, d’après ce qu’on nous a dit hier, que le pape n’attend qu’une bonne occasion pour nous rapprocher de lui, et que ta mère seule nous tient en exil ? Écoute-moi bien, et ne te fâche pas. Dona Olimpia, sois-en certain, nous tiendra éloignés de la cour tant qu’elle aura assez de puissance pour le faire, et ton oncle n’aura jamais la force de contrarier sa volonté à ce sujet ; ainsi notre bannissement peut se prolonger indéfiniment. À te parler franchement, mon cher Camille, j’ai assez de la vie champêtre, et il est par trop piquant d’avoir épousé le neveu du pape pour en être réduite à vivre aux champs. Je te déclare donc que pour mon compte je ne prétends plus mener ce genre de vie, et que dans tous les cas je veux faire mes couches a Rome.

— Alors, ma chère Cornélia, je ne vois rien de plus simple que d’écrire à sa sainteté, pour lui faire cette demande.

— Point du tout, Camille ; ce n’est pas ainsi que j’entends que les choses se fassent. — Et de quelle manière donc ? — Il faut brusquer les affaires. — Mais enfin, comment ? — Il y a un moyen bien simple. — Lequel ? — C’est d’entrer à Rome sans prévenir. — Y pensez-vous, Cornélia ? — Quant à moi j’y suis bien résolue, et je pense que vous ne me laisserez pas aller seule. »

Ces dernières paroles étaient à peine prononcées, que dom Camille quitta le siége qu’il occupait, et se promena silencieusement dans la chambre.

De son côté, Cornélia, qui était demeurée assise, observant la physionomie soucieuse de Camille, commença à se sentir sourdement agitée par l’inquiétude et la colère. Après avoir vainement attendu que son mari lui adressât la parole : « Il paraît, dit-elle, que vous n’approuvez pas mon projet ? — Votre projet ? dites donc... votre... folie, madame. — Prince, reprit Cornélia en se levant à son tour, il y a des folies qui réussissent souvent mieux que les actes de prudence, surtout quand un noble orgueil fait commettre les unes, et que la... nonchalance produit les autres. — Corné-