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zaine de cavaliers, et la princesse fit son entrée à Rome en plein jour, dans une voiture de gala, escortée par son monde, et après avoir eu soin de faire relever tous les rideaux des portières, afin d’être reconnue et de pouvoir rendre plus ostensiblement les politesses qui lui seraient adressées. Le piqueur était prévenu sur les rues qu’il devait suivre, en sorte que l’équipage parcourut les quartiers les plus fréquentés de la ville.

De toutes les séductions qui peuvent être employées avec succès auprès du peuple de Rome, les spectacles bien visibles et très-éclatants sont les plus sûrs. Les quatre chevaux blancs richement harnachés, les officiers et les domestiques splendidement vêtus, une voiture élégante, et enfin la jeune princesse dans tout l’éclat de sa beauté et de sa magnificence, produisirent un effet magique sur le peuple, dont une partie se mit à suivre le cortège en criant : « Vive la princesse de Rossano ! enfin elle nous est rendue ! Vive, vive la princesse de Rossano ! »

Le bruit de son arrivée se répandit bientôt de tous côtés, et chacun se dirigea vers la rue du Cours, où l’on avait eu soin de prévenir de son passage. C’était précisément l’heure à laquelle toutes les personnes de distinction avaient l’habitude d’y faire leur promenade en carrosse. Deux files de voitures roulaient en sens contraire lorsqu’une troupe d’enfants et de faquins, débouchant tout à coup dans cette rue, un peu avant la place Colonne, annonça l’arrivée de la belle voyageuse, en criant : « Vive la princesse de Rossano ! La voilà ! la voilà ! Vive la princesse de Rossano ! »

La foule des piétons était devenue si grande, et elle était tellement engagée entre les chevaux et les voitures, que l’équipage et l’escadron de la princesse furent obligés de prendre le pas sur le milieu de la chaussée. C’est alors que la joie et l’enthousiasme furent portés à leur comble. La noblesse, le haut clergé, les hommes et les dames les plus considérables de Rome, ainsi que les ambassadeurs des cours étrangères, voyant rentrer ainsi avec tant d’éclat la jeune princesse, ne doutèrent pas un seul instant que le pape n’eût enfin mis un terme à son exil. Aussi rien, depuis ce mo-