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CHAPITRE V.

Le palais de la place Navone devint en cette occasion le théâtre des scènes les plus extraordinaires et les plus disparates. D’après les ordres du pape, le nouveau cardinal Astalli, que je ne désignerai plus dorénavant que par le nom de cardinal Pamphile, avait été s’installer, immédiatement après sa promotion, dans ce même palais où demeurait dona Olimpia, le cardinal Maldachini et plusieurs autres personnes de cette famille ; en sorte que le surlendemain de l’emménagement du cardinal Pamphile, tout ce qu’il y avait de personnes considérables dans l’état, dans le clergé et dans la noblesse du pays, sans omettre les étrangers, vinrent en foule et en toute hâte à la place Navone pour féliciter le nouveau favori, et faire du même coup un compliment de condoléance à dona Olimpia et à sa famille. C’était un spectacle vraiment singulier, mais dont on prit sagement le parti de rire, que de voir les cardinaux, les ambassadeurs, les princes et les grandes dames montant et descendant les deux escaliers opposés du même palais, pour aller d’un côté se réjouir avec l’un du même événement dont quelques instants après on s’apitoyait auprès des autres.

Mais rien n’explique mieux l’étonnante fortune de dona Olimpia que le courage et la présence d’esprit qu’elle conserva dans les revers. Dès qu’elle sut l’élévation du neveu postiche, et que le pape exigeait qu’en qualité de parent ce jeune cardinal habitât le même palais qu’elle et sa famille, malgré la rage intérieure qu’elle en ressentit, elle eut assez de force pour la dissimuler. Le cardinal Maldachini, les deux jeunes princesses, filles de dona Olimpia, le prince dom Pamphile, qui était revenu à Rome en cette circonstance, et la princesse de Rossano elle-même, étaient tous exaspérés de voir ainsi un intrus mis de force au milieu d’eux, et près de leur ravir une partie de leurs biens. Tous voulaient que l’on abandonnât le palais de la place Navone, que l’on s’exilât même volontairement de Rome pour témoi-