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Avez-vous véritablement de l’amitié pour moi ? lui demanda mademoiselle de Liron d’un air sérieux.

— Ah ! mademoiselle pourriez-vous douter un instant de l’attachement que je...

— Écoutez, Ernest, prenez bien garde qu’ici il ne s’agit nullement d’amour, mais d’amitié vraie, solide ; en avez-vous une réelle pour moi ?

— La plus sincère, mademoiselle.

— C’est ce que nous allons voir. Puis donc que vous me portez une amitié réelle et sincère, je dois, moi qui en ressens une très-forte pour vous, vous prévenir d’un événement prochain et de la plus haute importance pour moi ; je vais me marier...

Comme à ces mots, Ernest resta immobile et devint tout pâle, mademoiselle de Liron saisit une de ses mains, en lui disant : Allons, prenez garde ! pas d’enfantillages et remettez-vous s’il vous plaît... C’est bien... là... vous sentez-vous mieux ? Comment ! on dirait que vous pleurez !

— Non, mademoiselle ; c’est une sueur froide qui me passe sur le visage.

— Eh bien, essuyez-vous.

Ernest mit la main à sa poche, mais il avait oublié son mouchoir.

— Voilà bien un reste d’habitude d’écolier, dit en souriant mademoiselle de Liron ; tenez, voilà le mien.

Notre jeune homme aurait eu une pinte d’eau sur la figure, qu’il n’eût pas mis plus de temps à l’étancher que les trois gouttes qui roulaient sur son front.

— Allons, c’est bien, et voilà qui est fini, dit mademoiselle Justine ; rendez-moi mon mouchoir et causons.

— Ah ! mademoiselle, j’en ai fait usage, je n’oserais vous le remettre ainsi ; d’ici à quelques jours...

— Mon cher cousin (car il y avait une espèce de parenté entre nos deux causeurs), mon cher cousin, dit la cousine en dirigeant son regard avec fermeté, mais non sans douceur, sur le jeune homme, vous êtes bien strict sur le cérémonial aujourd’hui. Mais vous vous trompez si vous croyez faire de moi une dupe. Je vous le donne, ce mouchoir. Ôtez-en la marque