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nue par deux briques qui la maintenaient. Deux cierges brûlaient auprès du cadavre, et devant le brancard un mendiant à genoux demandait l’aumône aux passants pour faire dire des prières en faveur du pauvre supplicié.

Rome entière accourut au pont Saint-Ange pour voir les restes de cet homme qui, après avoir possédé la confiance entière du pape pendant tant d’années, venait de périr justement comme le dernier des misérables.

Quant à Innocent et à dona Olimpia, jamais, depuis ce jour, ils ne prononcèrent le nom de Mascambruno l’un devant l’autre.

CHAPITRE VII.

On comptait tant de gens à Rome, depuis les employés subalternes jusqu’aux premiers fonctionnaires, auxquels il n’avait manqué que le pouvoir ou les occasions pour se rendre aussi criminels que Mascambruno, que l’on plaignit presque le sous-dataire de ce qu’il avait payé pour tous. Il est certain que malgré son supplice, la simonie, les exactions et la dilapidation des fonds de l’état n’en suivirent pas moins leur cours ordinaire. À peine le souvenir du supplicié exposé au pont Saint-Ange fut-il affaibli, ce qui eut lieu au bout de huit jours, que le désordre dans les finances se rétablit autrement, mais tout aussi excessif qu’avant le procès de Mascambruno.

Cet événement eut même cela d’avantageux pour quelques fripons fameux, tels que Fagnani et Rasponi, qu’il leur fit sentir la nécessité de mettre plus d’adresse dans leurs fraudes, en ne s’exposant plus à multiplier grossièrement des faux qui risquaient de les faire pendre. Favorisés, aidés même par dona Olimpia, qui ne pouvait se passer de leurs services, et mêlés d’ailleurs aux intrigues que recommençaient à ourdir les Barberins, rentrés en pleine faveur à la cour apostolique, Fagnani et Rasponi, ayant hérité de la confiance aveugle qu’Innocent X avait accordée au dernier sous-dataire, ménagèrent tous les moyens, se servirent de toutes les in-