Page:Delécluze - Romans, contes et nouvelles, 1843.djvu/341

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par le traité de Munster, ils ont été forcés de se retirer des Pays-Bas.

» Saint-père, et vous, princesse, ajouta le cardinal, dont le discours avait déjà porté la persuasion dans les esprits, appliquons toute notre attention à cette entreprise, et n’en ajournons pas trop l’exécution. Le moment est propice pour agir ; au pied des Pyrénées, dans le Milanais et la Lombardie, les Français et les Espagnols se font une guerre acharnée. Paris, siège de révolutions incessantes, ne laisse aucun relâche à la cour, et remplit tout le royaume d’inquiétudes ; le grand-duc de Toscane, vous le savez, ne s’écartera pas de sa prudente neutralité. Venise nous est favorable ; et l’une de mes nièces, mariée au frère du duc de Modène, nous garantit la paix de ce côté. Ainsi, avançons-nous hardiment sur le royaume de Naples. Jamais, saint-père, et vous, princesse de Saint-Martin, n’aurez une meilleure occasion de rendre utiles et d’augmenter vos trésors qu’en les faisant servir à une si belle entreprise. Quant à nous, qui désirons si vivement de ne faire qu’un avec la famille Pamphile ; et en disant ces mots, Antoine fit un sourire gracieux à dona Olimpia ; quant aux Barberins, ils s’engagent à fournir et à entretenir une armée de dix mille hommes au saint-siége, jusqu’à ce qu’il ait pris possession du royaume de Naples. »

Quoique le cardinal, ainsi que sa famille, s’exagérât tant soit peu la facilité de cette entreprise, il y avait cependant des chances de succès qui séduisirent le pontife ainsi que sa belle-sœur. Après l’exposition sommaire de son projet, Antoine ne manqua pas d’en déduire toutes les conséquences avantageuses. Il fit voir que ce royaume était composé d’une foule de principautés, dont l’étendue, ainsi que les revenus très-variés, fourniraient à chacun des enfants et neveux de la maison Pamphile une espèce de petit royaume à part, où ils imposeraient des gabelles tout à l’aise pour s’enrichir. Mais Antoine n’oubliant pas non plus sa famille, et désignant d’avance comme sa part la principauté de Salerne, fit entendre que cette annexe du royaume de Naples servirait à doter tous les Barberins présents et futurs. L’esprit du cardinal, que le maniement de richesses excessives avait rendu depuis longtemps