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que jamais dès qu’on la vit remonter les escaliers du Vatican. Malgré tous les soins qu’elle prenait pour se rendre chez le pape sans être reconnue, trahie souvent par ceux de ses ennemis qui savaient l’heure de son passage, elle devenait l’objet des injures et des menaces de la plus vile canaille. La disette et la cherté des vivres, qui se faisaient sentir presque constamment, étaient le prétexte trop bien fondé des vociférations injurieuses qu’on lui prodiguait ; et le pontife lui-même, tout aussi peu épargné qu’elle lorsqu’il parcourait la ville, éprouvait une mortification d’autant plus grande en ces occasions, que les reproches qu’on lui faisait lui étaient adressés sous le nom de dona Olimpia.

Il fallut tout l’aveuglement où était plongé Innocent X pour qu’il supportât les dégoûts qu’on lui fit éprouver pendant les dernières années de son règne. Rarement il se passait un mois sans qu’il ne reçût des lettres anonymes dans lesquelles, tout en conservant des formes respectueuses, on lui disait les vérités les plus dures, accompagnées des présages les plus funestes. Tant que Pancirole et Astalli avaient été près de lui, ces deux hommes ne manquaient pas de mettre ces lettres terribles sous ses yeux. Mais à peine dona Olimpia eut-elle repris son pouvoir, que son premier soin fut d’intercepter les écrits, de quelque nature qu’ils fussent, afin d’éloigner des yeux du pape ceux qui pourraient troubler le calme qu’elle voulait conserver à son esprit. S’autorisant de l’état valétudinaire d’Innocent pour lui épargner toute espèce d’application, elle l’entretenait dans une oisiveté presque voluptueuse, en ayant l’art de le mettre sommairement au courant des affaires, à l’aide de conversations qu’elle savait toujours rendre agréables et amusantes.

Parmi les distractions qu’elle cherchait à lui donner, dona Olimpia fixait chaque jour l’attention d’Innocent sur les embellissements de la place Navone et la construction de l’église de Sainte-Agnèse. L’achèvement de ce dernier édifice était surtout l’idée dont elle l’entretenait sans cesse, et chaque fois qu’elle arrivait du palais Pamphile, elle ne manquait pas de raconter en détail où en étaient les travaux. Curieux de s’assurer par lui-même de leurs progrès, Inno-