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ture de cette lettre de mon ami, et vous jugerez vous-même si le départ de votre cousin doit être différé.

Mademoiselle de Liron lut la lettre et la rendit sans proférer une parole.

— J’ignore, encore un coup, poursuivit M. de Thiézac, quelle est l’espèce d’enfantillage qui cause l’obstination de votre jeune parent ; mais je compte sur vous seule pour la vaincre. Il faut le décider à prendre un parti favorable à lui-même et... à... toute votre famille.

Ces derniers mots, prononcés avec plus de lenteur et de gravité que le reste, furent suivis d’un intervalle de silence. Enfin mademoiselle de Liron, en se rapprochant des ouvriers, dit à M. de Thiézac, qu’elle laissa dans l’allée :

— Parlez de tout ceci à mon père, monsieur, je ferai, je vous le jure, tout ce qui pourra contribuer à préparer un avenir heureux à mon cousin et à ma famille.

M. de Thiézac se rendit de là chez M. de Liron, auquel il avait promis d’aller le trouver de bonne heure pour s’occuper de jeter les bases du contrat de mariage projeté. Bien que les préliminaires de ce traité eussent été prévus d’avance, ils donnèrent occasion à une conversation qui fut assez longue.

Mais pendant qu’elle avait lieu, voilà qu’Ernest, sortant tout à coup du sommeil que ses agitations et son âge avaient rendu si profond, sauta hors de son lit, s’habilla et se mit à courir après M. de Thiézac sitôt qu’il eut la certitude qu’il avait quitté son appartement. Uniquement préoccupé de l’idée de s’assurer du lieu où il pouvait être, il passa assez près de sa cousine sans l’apercevoir. Ce fut elle qui, étonnée de l’impétuosité de sa marche, de la fixité de son regard, l’arrêta en l’appelant.

— Ernest, dit-elle, où allez-vous ainsi ? Qui cherchez-vous ?

Muet de surprise d’abord :

— Je cherche M. de Thiézac, dit-il enfin.

— Il est occupé d’affaires avec votre oncle... Venez ici, Ernest... Tâchez de vous calmer, et faisons un tour dans la grande allée pour parler plus librement.

Ils parcoururent une vingtaine de pas sans dire un mot.