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particulièrement. Au surplus, ajouta-t-il en faisant un geste qui exprimait tout à la fois et sa joie et la confiance qu’il mettait dans les deux futurs époux, arrangez-vous ensemble, ce que vous arrêterez sera bien fait, et je ne veux plus prendre d’autre soin que d’apposer ma signature au contrat.

Il remit entre les mains de sa fille le papier sur lequel étaient écrites les clauses, et s’étendit dans son fauteuil comme un homme décidé à ne plus faire aucun effort d’attention.

Cette petite harangue donna le temps à mademoiselle de Liron de se remettre de son émotion. Or il y avait dans l’embrasure d’une fenêtre une table et deux sièges ; elle prit l’un et invita M. de Thiézac à s’asseoir sur l’autre. Alors elle lut avec la plus profonde attention toutes les conditions projetées. Cet examen terminé, elle replaça doucement le papier sur la table, et dit à M. de Thiézac en élevant très-peu la voix :

— Je ne puis qu’applaudir, monsieur, à la prudence généreuse qui a dicté et approuvé ces conditions. La lecture que je viens d’en faire m’a singulièrement touchée, et je vois que ce que mon père m’a dit de vous est exactement vrai. Fasse le ciel que je puisse justifier les préventions favorables que votre présence ici semble indiquer !

On eût dit qu’il y avait quelque chose qui allait jusqu’à l’humilité dans le ton modeste que mademoiselle de Liron mit à cette dernière phrase, et l’on pourrait peut-être croire que, pressée par sa conscience et entraînée par la conduite loyale de M. de Thiézac, elle fut sur le point de faire à cet homme un de ces aveux dont les femmes se repentent toujours après. Mais mademoiselle de Liron avait cela de particulier qu’elle était franche et prudente, juste au même degré ; aussi elle allait parler, et cependant elle ne dit rien.

Pas une nuance de ce combat intérieur n’échappa à l’œil pénétrant de M. de Thiézac, qui sentit bien que le cœur de mademoiselle de Liron était gros d’un secret, mais dont il ne pouvait démêler précisément la nature.

Mademoiselle de Liron n’osait plus lever les yeux, et M. de Thiézac ne pouvait détacher les siens de dessus elle. Cette position fausse, cet état pénible ne duraient déjà que