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promesse positive qu’il avait faite de l’observer strictement.

Edmond de Lébis avait vingt-quatre ans. Animé, dès son enfance, de la piété la plus fervente, cette disposition chez lui s’était encore augmentée par l’exemple d’une dévotion héréditaire dans sa famille. Son âme fort élevée était rigoureuse envers elle-même. Spirituel et doué naturellement de prudence, une éducation soignée et des études fortes avaient singulièrement perfectionné chez ce jeune homme cette double faculté. L’habitude qu’il avait prise de bonne heure d’appliquer son esprit aux choses sérieuses, jointe à la gravite naturelle de son caractère, l’avait détourné de très-bonne heure des dissipations que la plupart des hommes prolongent au delà de leur jeunesse. Il était naturellement sage, et pour lui, l’ordre, le repos et la bonne conduite, étaient les véritables éléments du bonheur. Les passions, quand elles s’infiltrent dans les âmes de cette trempe, pour être moins éclatantes, ne s’y établissent souvent qu’avec d’autant plus de ténacité ; et l’amour surtout, dès qu’il les a pénétrées, n’y prend que la place qu’il y trouve, mais la remplit, y germe, y grandit, et n’en peut plus sortir.

Edmond, parvenu hors des domaines de M. de Soulanges, évita la route et prît à travers la campagne pour regagner son château. Ces deux habitations, placées l’une en face de l’autre, étaient situées près de deux petits villages séparés seulement par une vallée. Notre jeune et sage Edmond la traversait en repassant dans son esprit ce qui lui avait été dit sur Louise, et en se nourrissant de toutes les espérances de bonheur que son union avec elle lui faisait concevoir. Cette vallée était entrecoupée de prairies, de plantations de peupliers et de saules, formant des divisions inégales, dans lesquelles la fertilité du terrain permettait d’entretenir toutes sortes de cultures. Les sentiers étroits, dont la trace était parfois difficile à suivre le long des contours irréguliers de petites propriétés, faisaient faire à Edmond mille détours qui semblaient, favoriser le cours varié de ses réflexions. Le jour avait disparu. Il s’assit machinalement sur le tronc d’un arbre coupé, qu’il rencontra sur son passage ; mais ce ne fut que quelques instants après s’y être reposé, et à la vue de l’herbe foulée