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la supériorité instantanée dont elle s’emparait malgré elle, et, s’adressant à sa mère pour avoir son agrément, elle engagea la femme de chambre qui l’avait veillée à aller prendre du repos, afin de pouvoir parler avec plus de liberté.

À peine Julie fut-elle sortie, que Louise se jeta aux pieds de sa mère et les baisa, en répétant d’une voix forte et concentrée :

— Pourrais-je jamais effacer les fautes que j’ai faites, réparer les chagrins que je reconnais maintenant vous avoir causés ?

Ces mots émurent les entrailles de madame de Soulanges. Elle releva sa fille, la prit dans ses bras, la couvrit de larmes et lui prodigua mille tendresses.

Enfin Louise, qui lisait dans les yeux de sa mère toute la curiosité qu’elle avait de connaître la disposition où son âme était en ce moment, lui retraça l’entretien qu’elle avait eu avec Toinette, et l’effet extraordinaire qu’il avait produit sur elle ; elle manifesta la joie qu’elle avait éprouvée en recevant d’en haut une lumière tout à fait inattendue, et termina en disant qu’à présent qu’elle avait senti et vu Dieu, elle était prête à le recevoir, si toutefois, ajouta-t-elle en baissant la tête avec une sincère humilité, on ne m’en juge pas indigne.

Il y eut quelque chose de si grave et de si solennel dans ces dernières paroles, que la comtesse n’eut pas l’idée d’opposer à la modestie de sa fille les lieux communs que l’on prodigue souvent en pareille occasion. Elle l’embrassa encore plusieurs fois sans trouver une seule parole ; puis elle dit enfin d’une voix émue :

— Ma chère enfant, le bonheur que j’éprouve est trop grand ; allons le partager avec ton père.

On commença donc à s’occuper de tout ce qui devait précéder la cérémonie de la communion si longtemps désirée, et la célébration en fut mise à un mois.

Rien ne hâte le développement de l’intelligence comme l’action incessante d’un sentiment fort et profond. Pendant la durée de ce mois, le caractère de Louise se modifia entièrement. Les petites inégalités d’humeur qui tenaient encore à l’enfance, disparurent ; de légère, de dédaigneuse parfois