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d’elle sans lui parler. Un sourire angélique que lui fit Louise l’encouragea à hasarder quelques mots :

— Comment te trouves-tu, ma chère enfant ? lui dit-elle à voix basse. — Ah ! ma mère, répondit Louise en se laissant aller sur l’épaule de la comtesse pour n’être entendue que d’elle, après une union si forte et si intime avec mon Créateur, je sens pour lui un amour si véhément et j’en éprouve une félicité tellement complète, que je désirerais que mon âme s’anéantît pour aller se perdre et se confondre avec lui. Ô mon Dieu ! dit-elle en dirigeant ses yeux avec une ardeur extraordinaire vers le ciel, qu’elle voyait sans doute malgré l’obscurité du lieu où elle se trouvait, ô mon Dieu ! jamais je ne serai plus digne d’approcher de vous qu’aujourd’hui ! Prenez ! prenez mon âme et rappelez-la à vous ! Ma mère ! ajouta-t-elle enfin dans une espèce de ravissement de cœur, que je voudrais mourir ! Ah ! je veux mourir !

On le sait, car presque tout le monde l’a éprouvé : il n’est pas un enfant doué d’une âme ardente et d’un esprit élevé qui, le jour de sa première communion, ne se sente enflammé de l’amour divin à ce point d’oublier ce qu’il a de plus cher au monde, et d’appeler la mort pour ne point abandonner la félicité céleste qu’il éprouve.

Dans son amour de mère et avec les idées que l’âge et l’expérience donnent sur la durée de cette première ferveur pieuse qui ne s’éteint souvent qu’avec trop de promptitude, madame de Soulanges loin d’être attristée du souhait de sa fille, éprouva au contraire une joie intérieure en l’entendant répéter ces terribles paroles :

— Je voudrais, je veux mourir !

Pauvre mère ! qui n’y trouvait que l’expression de la piété de son enfant !

Mais pendant cette conversation, Edmond de Lébis, entré dans la sacristie, s’était tenu discrètement à quelque distance de ces dames, pour en attendre la fin. Il était envoyé par M. de Soulanges, pour engager la comtesse à attendre patiemment encore quelques minutes, afin de donner le temps d’achever une légère réparation aux harnais des chevaux. Après avoir fait sa commission, le jeune homme se remit en-