Page:Delécluze - Romans, contes et nouvelles, 1843.djvu/541

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

En sortant pour aller chercher les saintes huiles, le curé trouva dans l’escalier M. de Lébis entouré d’une foule d’hommes, de femmes et d’enfants agenouillés, priant pour mademoiselle de Soulanges. L’apparition du bon ecclésiastique suspendit les prières. On lut dans son regard triste que tout était désespéré, et cette foule, après s’être ouverte pour le laisser passer, se mit en marche et le suivit jusqu’à l’église en pleurant.

Onze heures de nuit sonnaient quand tous les préparatifs furent achevés pour la cérémonie qui devait avoir lieu auprès de la mourante. Soutenus par l’importance et la sainteté de leur ministère, le curé, revêtu de ses habillements sacerdotaux, et M. Delahire, allèrent annoncer à M. et madame de Soulanges que l’heure suprême de leur enfant allait bientôt venir, et qu’il était temps de remplir envers elle les derniers devoirs de la religion. Quel moment pour un père et une mère ! Le désespoir de M. de Soulanges se manifesta de nouveau par des larmes abondantes. Quant à la comtesse, elle porta vivement ses mains à ses yeux, comme si on l’eût tirée d’un songe, en disant au curé :

— Eh quoi ! est-ce que nous en sommes déjà là ? Et s’étant aperçue, au silence que l’on gardait, qu’il était impossible de se faire plus longtemps illusion sur l’affreuse vérité, elle se laissa tomber sur les genoux, essayant de prier, mais ne sachant que demander à Dieu, puisqu’il voulait absolument rappeler sa fille à lui.

Pâle, et les yeux toujours fixés vers la terre, elle se laissa conduire jusqu’à la chambre de son enfant. L’autel portatif avait été disposé de manière à ce qu’on n’eût réservé pour les assistants qu’un fort petit espace près de la porte d’entrée. Ce fut là que madame de Soulanges, son mari et Edmond demeurèrent prosternés pendant tout le temps que dura la cérémonie. Derrière eux, dans le corridor, et plus loin, sur l’escalier et dans la cour, jusqu’à la voie publique, étaient accourus la pauvre Toinette, les gens de la maison et tous les habitants voisins. Prosternés aussi jusqu’à terre, leurs voix se faisaient entendre par un murmure sourd et prolongé qui répondait aux prières du prêtre. Leur intention était pieuse