Page:Delécluze - Romans, contes et nouvelles, 1843.djvu/585

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rèrent sur les lèvres de Flavie, qui baissa les yeux vers la terre, s’attendant bien à ce que Robert allait lui tenir un langage nouveau, et lui faire quelque confidence qu’elle désirait et redoutait tout à la fois. Aussi son geste trahissait-il la contrainte de son âme, et elle avait l’apparence d’une personne qui attend l’arrêt de sa destinée.

« Il y a peine trois jours que vous m’avez vu pour la première fois, Flavie, dit enfin Robert, après une assez longue pause pendant laquelle il avait recueilli ses esprits et médité sur ce qu’il allait dire ; j’ai reçu des ordres précis pour aller vous prendre au couvent où vous avez été élevée, afin que je vous fisse connaître celle à qui vous devez le jour ? — Eh bien !... s’écria tout à coup Flavie. — Ne m’interrompez pas, je vous en prie. Les moments sont précieux, et il faut en profiter ; car après vous avoir fait parcourir les lieux de la vie future que nous avons vus hier, il me reste à vous donner quelques instructions pour la conduite que vous avez à tenir pendant votre séjour dans ce monde. Vous le savez maintenant, Flavie, lorsqu’on est sorti de la vie, on a mille épreuves à subir pour arriver seulement au point où nous avons vu Zénobie assise ; et cependant elle-même a pris soin de nous apprendre qu’à partir de la place où elle se trouve en ce moment, jusqu’au lieu où siègent les élus et l’Éternel, la multiplicité et la durée des épreuves sont telles, que son intelligence et sa prévision, quoique bien supérieures aux nôtres, ne sauraient ni les comprendre ni les apprécier. Vous vous abuseriez étrangement, Flavie, si vous vous flattiez que les épreuves ne commencent que quand la vie mortelle finit. Elles commencent en ce monde ; elles commencent dès qu’on y entre, et, si je ne me trompe, les pleurs que je vous vois verser m’avertissent que vous vous apercevez qu’elles sont déjà commencées pour vous ! Ah ! Flavie ! ces détours obscurs, ces souterrains escarpés et difficiles de la grande muraille, dont l’aspect vous a causé tant d’effroi, c’est encore un chemin facile et doux, si on le compare avec celui de la vie mortelle que vous entreprenez en ce moment. C’est ici, c’est dans ce monde qu’il faut surtout vous armer de courage pour triompher des peines, des douleurs et des séductions