Page:Delécluze - Romans, contes et nouvelles, 1843.djvu/599

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Mainfroi la pressa de nouveau ; alors elle ne trouva plus en elle ni la force ni la volonté de se défendre : tout en ce moment, jusqu’aux ténèbres, conspira en faveur de l’amour ; et, dans ce désordre, l’honneur de la race impériale, les droits d’un époux, et les lois les plus sacrées, tout fut oublié par Syligaitha, qui ne pensa plus qu’à Mainfroi. »


Sans cet amour de la vérité, sans ce cri de la conscience du savant Alde Manuce, de cet homme qui ne voulait pas que l’on mentît même dans un conte, nous ne connaîtrions pas l’histoire de Syligaitha ; car c’est en vain que j’ai multiplié les recherches pour mettre la main sur les annales de Paul Émile Santorio. Il y a tout lieu de croire qu’à l’exception de cette anecdote, le reste de cet ouvrage, écrit en latin, n’a point été imprimé.

Depuis quinze ou seize ans, il est arrivé un grand malheur en Europe, mais particulièrement en France. On ne croit plus au public. La preuve en est qu’on le méprise, qu’on le mystifie, qu’on ne se donne pas la peine d’interroger ses goûts, ni même de lui présenter avec une clarté suffisante les poèmes, la prose, les idées, enfin tout ce que l’on jette avec dédain à son avidité. Byron, lui qui est devenu pendant un temps l’idole du public, est celui de tous les auteurs de notre temps qui, le premier, l’ait traité le plus cavalièrement. Il agit tellement sans façon avec son lecteur, que, lorsque la recherche d’une rime l’embarrasse tant soit peu, il finit son vers par un quolibet ou une plaisanterie si commune, que la vanité seule de celui qui lit peut le décider à en rire ; car, bien que l’aristocratie ait perdu beaucoup de privilèges, l’impertinence est peut-être celui de tous que la vanité bourgeoise lui garantira le plus longtemps. Plus l’auteur est fat, plus le lecteur est complaisant. Aussi le public ressemble-t-il aujourd’hui à certaines femmes qui n’ont de goûts vifs que pour les hommes qui les méprisent et les maltraitent. Il faut en convenir : en morale comme en littérature, cette disposition n’est pas heureuse.

Oh ! qu’il en était autrement lorsque l’écrivain commen-