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Mademoiselle de Liron, mettant la main sur la bouche d’Ernest, ne le laissa pas achever.

— Oh ! lui dit-elle d’une voix émue, c’est le seul cas d’exception à ton serment.

Alors, tout en cherchant à se dégager de ses bras, elle ajouta d’un ton plus assuré :

— Voila l’instant où il faut nous séparer ; pars, Ernest, pars.

Elle fit un dernier effort pour écarter Ernest, à qui elle tendit cependant la main en signe d’adieu en lui disant :

— C’est en ce moment que je m’attends à trouver en toi l’âme d’un homme. Tu vas partir, tu le veux, j’en suis certaine ; car tu ne me feras pas l’affront de me forcer à t’en donner l’ordre.

Il obéit. Tandis que, debout dans la chambre, il se préparait à la retraite, mademoiselle de Liron, du fond de l’alcôve, continua à ranimer son courage, et finit par lui donner des instructions pour sa fuite.

— Fais bien attention, lui disait-elle : sur le bord de mon bureau, tu trouveras la clef de la petite porte qui communique avec l’ancienne salle de bain. Tu connais les êtres ; marche seulement avec précaution, et que Dieu te conduise ; adieu !

Ernest, sur le point de partir, se rapprocha du lit.

— Justine, dit-il, laisse-moi te dire encore une fois adieu.

— Oui, mais ce sera la dernière.

Il voulut l’étreindre dans ses bras ; mais elle s’y refusa avec constance ; et après une nouvelle tentative d’Ernest, elle se rejeta dans le fond de l’alcôve, et s’enveloppa le corps et la tête dans sa couverture pour ne plus rien entendre. Vaincu par cette résistance, Ernest partit enfin.

À huit heures du matin, mademoiselle de Liron sonna pour faire monter quelqu’un chez elle. Une servante se présenta. En lui remettant de son lit la lettre qu’elle avait écrite dans la nuit :

— Donnez ceci à mon père, dit-elle, et faites mes excuses de ce que je ne descendrai pas aujourd’hui : je suis incommodée.