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ses connaissances, il se présenta enfin chez la comtesse D***. Elle se tenait dans un petit salon dont toutes les jalousies étaient fermées à cause de la chaleur.

— Ah ! c’est vous, dit-elle a Ernest en se levant pour aller au-devant de lui. Venez, asseyez-vous là, je vous attendais.

La comtesse et Ernest s’assirent sur le sofa en se tenant la main.

— Qu’avez-vous, Cornélia ? lui dit-il.

— Ce que j’ai ? Je me sens mourir.

— Mais qu’avez-vous ? répéta-t-il en lui baisant la main.

— Vous quittez…

Elle s’arrêta, parce que sa voix s’éteignit ; puis elle reprit : « Vous quittez Rome ! »

Comme Ernest semblait sinon nier la chose, du moins la présenter comme incertaine,

— Je le sais ; n’ayez point d’inquiétudes, reprit Cornélia, et comptez sur mon silence ; mais moi, ne me trompez pas. Une dissimulation de votre part me serait plus pénible encore que votre perte ; retournez en France, allez la revoir, elle vous aime, vous l’aimez. Ah ! s’écria Cornélia en fondant en larmes, qu’elle est heureuse !... Mais ne faites pas attention à ce que je dis ; ne pensez pas à moi. J’ai tort, mille fois tort, vous m’aviez prévenue ! Je vois maintenant que j’espérais l’impossible !

Ernest, après ces mots, fit de vains efforts pour calmer le chagrin de Cornélia. Elle ne dit plus rien que : « Adieu ! adieu ! » qu’elle répéta plusieurs fois après s’être appuyée la tête sur le coussin du sofa ; et lorsque Ernest s’approcha d’elle pour l’interroger de nouveau, elle lui témoigna par un signe qu’elle désirait rester seule et même qu’il ne revînt plus la voir.

Certes Ernest fut très-sensible au chagrin que venait de lui témoigner Cornélia, et il eût été impardonnable à lui de ne pas prendre intérêt à une personne qui, pendant les trois derniers mois qu’il avait passés à Rome, n’avait rien ménagé pour se faire aimer de lui. Mais la beauté, les grâces de l’esprit et la tendresse vive de la jeune Romaine n’avaient