Page:Delécluze - Romans, contes et nouvelles, 1843.djvu/68

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tous vos auteurs latins. Ignorante comme je le suis, je ne profiterai guère de tous les nouveaux avantages que vous avez acquis, mais il me suffit de penser qu’ils vous feront valoir aux yeux des autres, pour que j’éprouve d’avance la joie que me donneront vos succès. Je garde pour moi le français ; vous savez le plaisir singulier que j’éprouve à vous entendre parler ! »

Un peu plus loin elle disait : « On ne se porte pas bien à Chamaillères. Mon père, votre oncle, baisse sensiblement. Il ne peut plus marcher que pour aller de son fauteuil à la table ou à son lit. Cela est bien triste, et je vous en préviens afin que si vous venez nous revoir ici comme vous paraissez en nourrir l’espérance, l’étonnement que vous causerait ce spectacle ne vous afflige pas trop. Pour moi, je suis toujours dans le même état, et les palpitations qui ont commencé à se faire sentir, comme je vous l’ai déjà écrit, peu de jours après votre départ de Chamaillères, augmentent plutôt qu’elles ne diminuent. M Tilorier, le médecin de Clermont, vient ici tous les deux jours au moins. La mauvaise santé de mon père l’y oblige ; mes indispositions l’y ont attiré aussi. Il m’a saigné trois fois depuis huit mois. Les soins que ce brave jeune homme nous donne me touchent beaucoup, et je ne sais en vérité de quelle manière mon père et moi nous pourrons nous acquitter envers lui. »

Après cette partie de la lettre, Ernest en suspendit pour quelques instants la lecture. Ce qu’il venait d’apprendre, joint à ce qu’il savait déjà par les lettres précédentes sur le dérangement de la santé de sa cousine, lui donnait de l’inquiétude. L’affaiblissement de son oncle, les assiduités même de M. Tilorier à la maison de Chamaillères, tout cela noircit, obscurcit quelques instants son imagination. Il eut de la peine à reprendre sa lecture, enfin il continua :

« Il faut, mon cousin, que je vous fasse part de deux mariages qui vous intéressent. Mariette a épousé ce gros joufflu de Louis Rafiat, notre premier garçon de ferme. Il y avait longtemps que les pourparlers avaient eu lieu. Mais Louis avait conçu sur Mariette des soupçons fâcheux que je suis parvenue à dissiper. Imaginez-vous de qui il était