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JOURNAL D’EUGÈNE DELACROIX.

en marchant dérange les pauvres oiseaux, qui s’envolent toujours par couple de deux.

Ah ! les oiseaux, les chiens, les lapins ! Que ces humbles professeurs de bon sens, tous silencieux, tous soumis aux décrets éternels, sont au-dessus de notre vaine et froide connaissance !

A tout moment, le bruit de mes pas fait fuir ces pauvres oiseaux, qui s’envolent toujours deux par deux. C’est le réveil de toute cette nature ; elle a ouvert la porte aux amours. Il vient de nouvelles feuilles verdoyantes, il va naître des êtres nouveaux, pour peupler cet univers rajeuni. Le sens savant s’éveille chez moi plus actif que dans la ville. Ces imbéciles (les savants) vivent-dans leur cabinet, ils le prennent pour le sanctuaire de la nature. Ils se font envoyer des squelettes et des herbes desséchées, au lieu de les voir baignées de rosée.

— Me voici assis dans un fossé sur des feuilles séchées, près du grand chêne qui se trouve dans la grande allée de l’Ermitage.

— Je suis toujours sujet, au milieu de la journée, à un abattement qui est le dernier acte de la digestion.

— Quand je rentre aussi de ces promenades du matin, je suis moins disposé, ou plutôt je ne suis plus disposé du tout au travail.

Vendredi 7 mai. — Revenu à Paris pour voir l’esquisse de Riesener chez Varcollier ; elle ne s’y est