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La Figure de proue


Ce jour la mariait, vierge, avec l’Inconnu.
Le hasard, désormais, la guette à chaque rive,
Car, sur la proue aiguë où son destin la rive,
Qui sait quels océans laveront son front nu ?

Elle naviguera dans l’oubli des tempêtes
Sur l’argent des minuits et sur l’or des midis,
Et ses yeux pleureront les havres arrondis
Quand les lames l’attaqueront comme des bêtes.

Elle saura tous les aspects, tous les climats,
La chaleur et le froid, l’Équateur et les pôles ;
Elle rapportera sur ses frêles épaules
Le monde, et tous les ciels aux pointes de ses mâts.

Et toujours, face au large où neigent des mouettes.
Dans la sécurité comme dans le péril,
Seule, elle mènera son vaisseau vers l’exil
Où s’en vont à jamais les désirs des poètes ;

Seule, elle affrontera les assauts furibonds
De l’ennemie énigmatique et ses grands calmes ;
Seule, à son front, elle ceindra, telles des palmes,
Les souvenirs de tant de sommeils et de bonds.


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