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LE PAIN BLANC

— Ces petites filles, on ne saura jamais ce que ça va chercher ! Tiens !… Parlons nettement, si tu veux ! Je n’irai pas par quatre chemins. Je ne dis pas qu’il n’y avait pas quelque chose. Mais certainement pas ce que tu crois.

Elle reprit tout son sérieux. Avec une grande autorité :

— Tu n’as pas vingt ans, tu ignores tout de la vie, et je t’excuse. C’est bien naturel. Mais plus tard, tu comprendras bien des choses… Il faut avoir vécu longtemps et avoir beaucoup souffert, vois-tu, pour commencer à se faire une idée de ce que sont les hommes. Julien n’a pas été sérieux, j’en conviens… Ni moi non plus, là !… Tu vois que j’avoue tout ! Mais c’était absolument vrai ce que je t’ai dit. J’hésitais à sortir, étant souffrante. Il a sonné. Il venait pour te dire bonjour… Ne te trouvant pas, il ne pouvait pas, par simple courtoisie, s’en aller sans me faire une toute petite visite. Alors… Qu’est-ce que tu veux ?… C’était la première fois qu’il se trouvait seul avec moi, mais il n’y a rien eu de grave.

Élysée, de nouveau, baissait la tête. Elle sentait l’autre si formidable qu’elle n’osait pas soutenir plus longtemps son regard.

— J’espère que tu me crois ?… reprit Mme Arnaud sur un ton presque offensé.

N’obtenant pas de réponse, elle poursuivit :

— Il faudrait tâcher, mon petit, de ne pas rester trop longtemps bébête comme une pensionnaire. Un peu d’esprit, voyons ! Ne sois pas lourde ! Ça ne te va pas !

Elle se redressa, conclut très vite :

— Tu peux te fier à mon expérience. Tu n’as qu’une seule chose à faire, à présent. Oublier ce petit nuage, et reprendre ta manière d’être comme si rien ne s’était passé. Ce soir, je téléphone à Julien qu’il peut venir demain. Est-ce dit ?

Élysée, exsangue, redressa la tête.

— Jamais !… prononça-t-elle.

— Bon ! Bon !… Ça te passera plus tôt que tu ne crois. Tout ça, c’est de l’enfantillage… Mais je ne veux pas te forcer. Tu as toujours été très gâtée, tu crois que tout te cédera dans la vie. Malheureusement, tu apprendras à mettre de l’eau dans ton vin. Mais, soit ! Passons ! Boude le temps que tu voudras.