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LE PAIN BLANC

— J’ai trouvé la lettre de maman à mon bureau, hier au soir… chuchota Jacques. Tu penses si je suis arrivé vite !

— Comment, la lettre de maman ?… Alors elle est morte comme ça ?… toute seule ?…

Les yeux d’Élysée s’agrandissaient.

— C’est vrai, tu ne sais pas encore… remarqua Jacques un peu plus bas.

Il fit une pause, baissa les yeux, termina dans un souffle.

— Elle s’est suicidée.

Le grand pas de recul que fit leur sœur ne les interrompit pas.

— Tiens ! voilà sa lettre !… enchaîna Max.

Élysée, avec épouvante, prit des mains de son frère l’unique feuille où la main nerveuse de maman avait tracé quelques phrases, ses dernières paroles.

« Quand tu recevras ceci, je serai morte. J’ai compris maintenant que ton père ne reviendrait pas, puisque, décidément, il en aime une autre. Ne pouvant supporter plus longtemps mon malheur, je m’en vais. Ne croyez pas, toi et ton frère, que vous allez être les maîtres à la maison. J’écris également à mon notaire, qui sera chez nous avant vous pour mettre les scellés partout. Mon testament est entre ses mains. C’est lui qui s’occupera de mon enterrement, et qui gérera mes biens, puisque votre père vous a abandonnés. Je quitte sans regret cette vie qui ne m’a apporté qu’amertume et injustice. Bon débarras pour tout le monde, et surtout pour moi !

« Marcelle ARNAUD. »

Livide, la fillette relut cela plusieurs fois. Pas un mot pour elle ! Dernière méchanceté, cette lettre grimaçante était plus désespérée qu’aucune plainte.

Toute l’infortune de Marcelle Arnaud y était contenue. Ne devait-elle pas mourir de ses propres mains, celle qui, toute sa vie, n’avait fait que détruire autour d’elle ?

Relevant enfin la tête :

— Comment est-elle morte ?… demanda la petite, si bas qu’on l’entendit à peine.

— Revolver !… répondirent ensemble les deux frères.