Page:Delaunay - Le monde médical parisien au dix-huitième siècle.djvu/74

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

suivant les leçons de ce célèbre médecin, dont il traduisit plusieurs ouvrages ; mais, après la mort de son professeur, il revint vivre à Saint-Malo, occupé de travaux divers, de traductions, et fréquentant chez une convulsionnaire, la veuve Duval ; en 1742, le chirurgien Morand, avec lequel il était lié, le rappela dans la capitale et le fit nommer médecin des gardes françaises. La Mettrie suivit le colonel duc de Gramont dans la campagne d’Allemagne, à la bataille de Dettingen (1743), au siège de Fribourg, et le perdit à Fontenoy (1745). Un emploi dans les hôpitaux militaires, qu’il obtint de M. de Séchelles, lui permit de vivre, en attendant mieux. Mais il fut très compromis par la publication de son Histoire naturelle de l’âme, dédiée à Maupertuis, qui parut à La Haye la même année. Il y développe la théorie sensualiste et penche finalement vers le matérialisme. En 1746, sa Politique du Médecin de Machiavel vint encore aggraver son cas ; il dut quitter les hôpitaux de l’armée. C’est dans ce livre qu’il dévoilait les procédés employés par certains médecins pour arriver à la fortune, et traçait, d’un pinceau qui n’était pas toujours bienveillant, les portraits de quelques Esculapes célèbres, qu’il fallait bien reconnaître sous des pseudonymes transparents. L’affreux Bouillac (Bacouil), le jaune Marcot (Jonquille), l’élégant Helvétius (Erosiàtre), l’érudit Falconet (de la Rose), Astruc (de Grysologue), Dubois (de Lignum), Procope le bossu (d’Ésope), Andry (Verminosus), le dormeur Molin (de Philanthrope), Ferrein (de Rufus), le musqué Sidobre (Douillet), Chirac le hautain (l’empereur Julien), l’insinuant Sylva (de la Forest), l’intrigant Le Thieullier (de Baptême), ils sont tous là, croqués d’un crayon impitoyable et féroce, qui n’épargne ni leur physique, ni leur caractère, enregistre les bruits malveillants, les racontars plus ou moins fondés qui courent sur leur compte, les dessous de leur politique d’arrivistes. Voici M. Anodin (Winslow), « petite machine dévote qu’un rien scandalise, à qui une mouche fait peur ». Sa pudeur, toujours alarmée, a entrepris d’expurger le vocabulaire anato-

    place de médecin du roi, pour déconsidérer ses rivaux. Si cela est vrai, La Mettrie aurait-il servi les ambitions de Sénac ?