Page:Delavigne - Œuvres complètes, volume 4, Didot, 1881.djvu/101

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S’entr’ouvraient pour l’anneau tombant du Bucentaure :
Des fêtes de Saint-Marc les beaux jours sont passés !

Rialto n’entend plus le chant des barcaroles ;
Adieu la soie et l’or mollement enlacés,
Qui tombaient en festons sur le fer des gondoles :
Des fêtes de Saint-Marc les beaux jours sont passés !

En vain du marronnier les fleurs et le feuillage
Parent de la Brenta les palais délaissés,
La gloire et les amours n’y cherchent plus l’ombrage :
Des fêtes de Saint-Marc les beaux jours sont passés !

Que de fois dans sa rêverie,
Sur ce bord dont l’écho répète encor son nom,
Alors qu’il errait sans patrie,
Ces souvenirs de deuil ont poursuivi Byron !
Souvenirs où son cœur, abreuvé d’amertume,
Trouvait dans ses ennuis de douloureux appas,
Tandis que le coursier, qu’il blanchissait d’écume,
Faisait jaillir le sable où s’imprimaient ses pas.

O ciel ! la voilà donc cette beauté si fière
Qu’adoraient, en tremblant, les peuples asservis,
Le jour qu’un empereur, dans ses sacrés parvis,
Sous les pieds d’un pontife a baisé la poussière !
Des siècles, pour grandir ; pour mourir, des instants !
Tels furent ses destins ; sa longue décadence
D’une lutte sans fin n’a point lassé le temps :
Un peuple a tout perdu s’il perd l’indépendance.

C’est en vain que Venise a revu ces coursiers
Attelés si longtemps au char de notre gloire,
Qui s’est enfin rompu sous le poids des lauriers,
Usé par trente ans de victoire.
Le lion dans les fers en vain menace encor ;