Page:Delavigne - Œuvres complètes, volume 4, Didot, 1881.djvu/31

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Ils vont pour un assaut former leurs rangs épais :
Non, ces guerriers sont des anglais
Qui vont voir mourir une femme.

Qu’ils sont nobles dans leur courroux !
Qu’il est beau d’insulter au bras chargé d’entraves !
La voyant sans défense, ils s’écriaient, ces braves :
Qu’elle meure ! Elle a contre nous
Des esprits infernaux suscité la magie…
Lâches ! Que lui reprochez-vous ?
D’un courage inspiré la brûlante énergie,
L’amour du nom français, le mépris du danger,
Voilà sa magie et ses charmes ;
En faut-il d’autres que des armes
Pour combattre, pour vaincre et punir l’étranger ?

Du Christ avec ardeur Jeanne baisait l’image ;
Ses longs cheveux épars flottaient au gré des vents,
Au pied de l’échafaud, sans changer de visage,
Elle s’avançait à pas lents.
Tranquille, elle y monta : quand, debout sur le faîte,
Elle vit ce bûcher qui l’allait dévorer,
Les bourreaux en suspens, la flamme déjà prête,
Sentant son cœur faillir, elle baissa la tête,
Et se prit à pleurer.

Ah ! Pleure, fille infortunée !
Ta jeunesse va se flétrir,
Dans sa fleur trop tôt moissonnée !
Adieu, beau ciel, il faut mourir.

Ainsi qu’une source affaiblie,
Près du lieu même où naît son cours,
Meurt en prodiguant ses secours
Au berger qui passe et l’oublie ;