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calme, qui, sans pleurer, sans faire aucun bruit, lavait et habillait le frêle cadavre. Elias l’assista dans cette funèbre besogne : il prit dans le coffre les petits bas et les petits souliers, aida la grand’mère à chausser le bébé ; et les petits pieds exsangues, amincis par la maladie, étaient encore flexibles et tièdes.

Tant que le petit mort ne fut pas habillé et arrangé sur les oreillers, tant que Zia Annedda demeura dans la chambre, Elias n’éprouva rien. Mais, dès qu’il fut seul, il sentit un frisson courir par toute sa personne, il sentit son visage et ses mains se glacer ; et il s’agenouilla, se cacha la face dans les couvertures du petit lit.

Enfin il était seul avec son enfant. Personne ne pouvait plus le lui prendre, personne ne pouvait plus s’interposer entre eux. Et il sentait descendre sur sa désolation infinie un léger voile de paix et presque de joie, — semblable à la brume de cette mystérieuse nuit d’automne, — parce qu’enfin son âme se trouvait seule, seule et purifiée par la douleur, seule et libre de toute passion humaine, devant le Seigneur grand et miséricordieux.



IMPRIMERIE NELSON, ÉDIMBOURG, ÉCOSSE
PRINTED IN GREAT BRITAIN