Page:Delille - L Homme des champs 1800.djvu/142

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Là le noir suicide, égarant la raison,
Aiguise le poignard et verse le poison :
Là règne des laïs la cohorte effrénée,
Honte du célibat, fléau de l’hyménée :
Là, dans des murs infects, asiles dévorans,
La charité cruelle entasse les mourans :
Là des fripons gagés surveillent leurs complices,
Et le repos public est fondé sur des vices :
Là le pâle joueur, dans son antre infernal,
D’un bras désespéré lance le dé fatal.
Que d’enfans au berceau délaissés par leur mère !
Combien n’ont jamais vu le sourire d’un père !
Que de crimes cachés ! Que d’obscures douleurs !
Combien coule de sang, combien coulent de pleurs !
La nature en frémit. Mais bientôt vos images
Nous rendent les ruisseaux, les gazons, les ombrages :
Ce contraste puissant les embellit pour nous ;
L’ombrage, les ruisseaux, les zéphirs sont plus doux ;
Et le cœur, que flétrit ce séjour d’imposture,
Revient s’épanouir au sein de la nature.
Ainsi, lorsque Rousseau, dans ses bosquets chéris,
Du bout de son allée apercevoit Paris ;
« De vices, de vertus effroyable mélange !
Paris ! Ville de bruit, de fumée et de fange !
Trop heureux, disoit-il, qui peut loin de tes murs
Fuir tes brouillards infects, et tes vices impurs ! »