Page:Delille - L Homme des champs 1800.djvu/65

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Il sait, le fait est sûr, lire, écrire et compter ;
Sait instruire à l’école, au lutrin sait chanter ;
Connoît les lunaisons, prophétise l’orage,
Et même du latin eut jadis quelque usage.
Dans les doctes débats ferme et rempli de cœur,
Même après sa défaite il tient tête au vainqueur.
Voyez, pour gagner temps, quelles lenteurs savantes
Prolongent de ses mots les syllabes traînantes !
Tout le monde l’admire, et ne peut concevoir
Que dans un cerveau seul loge tant de savoir.
Du reste, inexorable aux moindres négligences,
Tant il a pris à cœur le progrès des sciences,
Paroît-il ? Sur son front ténébreux ou serein
Le peuple des enfans croit lire son destin.
Il veut, on se sépare ; il fait signe, on s’assemble ;
Il s’égaie, et l’on rit ; il se ride, et tout tremble.
Il caresse, il menace, il punit, il absout.
Même absent, on le craint ; il voit, il entend tout :
Un invisible oiseau lui dit tout à l’oreille ;
Il sait celui qui rit, qui cause, qui sommeille,
Qui néglige sa tâche, et quel doigt polisson
D’une adroite boulette a visé son menton.
Non loin croît le bouleau dont la verge pliante
Est sourde aux cris plaintifs de leur voix suppliante,
Qui, dès qu’un vent léger agite ses rameaux,
Fait frissonner d’effroi cet essaim de marmots,