Page:Delille - L Homme des champs 1800.djvu/68

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Ainsi ce jeune œillet n’attendoit pour éclore
Qu’un des rayons du jour, qu’un des pleurs de l’aurore.
Aujourd’hui, sans songer à son renom futur,
Son cœur est satisfait si, lancé d’un bras sûr,
Le caillou sous les eaux court, tombe et se relève,
Ou si par un bon vent son cerf-volant s’élève.
Dès qu’un heureux hasard vient l’offrir à vos yeux,
Hâtez-vous, saisissez ce germe précieux.
Cultivés, protégés par vos secours propices,
Ces jeunes sauvageons croîtront sous vos auspices :
Hâtés par vos bienfaits, leurs fruits seront plus doux,
Et leur succès flatteur reviendra jusqu’à vous.
Des préjugés aussi préservez le jeune âge.
Naguère des esprits hantoient chaque village ;
Tout hameau consultoit son sorcier, son devin ;
Tout château renfermoit son spectre, son lutin,
Et dans de longs récits la vieillesse conteuse
En troubloit le repos de l’enfance peureuse.
Surtout, lorsqu’aux lueurs d’un nocturne flambeau
L’heure de la veillée assembloit le hameau,
Toujours de revenans quelque effrayante histoire
Resserroit de frayeur le crédule auditoire.
Loin d’eux ces fictions qui sèment la terreur,
Filles des préjugés et mères de l’erreur !
Ah ! Contons-leur plutôt la bonne moissonneuse,
Soigneuse d’oublier l’épi de la glaneuse ;