Page:Delille - L Homme des champs 1800.djvu/73

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée


 
Heureux qui dans le sein de ses dieux domestiques
Se dérobe au fracas des tempêtes publiques,
Et dans un doux abri trompant tous les regards,
Cultive ses jardins, les vertus et les arts !
Tel, quand des triumvirs la main ensanglantée
Disputoit les lambeaux de Rome épouvantée,
Virgile, des partis laissant rouler les flots,
Du nom d’Amaryllis enchantoit les échos.
Nul mortel n’eût osé, troublant de si doux charmes,
Entourer son réduit du tumulte des armes ;
Et lorsque Rome, enfin lasse de tant d’horreurs,
Sous un règne plus doux oublioit ces fureurs,
S’il vint redemander au maître de la terre
Le champ de ses ayeux que lui ravit la guerre,
Bientôt on le revit, loin du bruit des palais,
Favori du dieu Pan, courtisan de Palès,
Fouler, près du beau lac où le cygne se joue,
Les prés alors si beaux de sa chère Mantoue.
Là, tranquille au milieu des vergers, des troupeaux,
Sa bouche harmonieuse erroit sur ses pipeaux,
Et, ranimant le goût des richesses rustiques,
Chantoit aux fiers Romains ses douces géorgiques.