Page:Delluc - Monsieur de Berlin, 1916.djvu/115

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Berlin, 30-31 juillet.

Je suis angoissé de ma nuit. En rêve, je priais. Je ne pensais qu'à Dieu, et que par Dieu. Évoquant, le génie sanglant de Thor, éternité triple et immuable vouée aux hécatombes, aux sacrifices d'innocents, aux audaces extrêmes, je sentais le souffle sacré passer dans ma voix. Je parlais. Je ne sais plus où je parlais. Je crois bien que j'ai prêché des marins sur un bateau, des soldats dans le sommeil du camp, une foule sur une place publique, et cette place ressemblait à l'hémicycle qui encadre la porte sacrée de Saint-Pierre de Rome. Quels mots servaient ou desservaient ma pensée, et quelle pensée me possédait ? La voix divine parlait pour moi. Je n'étais plus que le confident béni de la grande volonté imprononcée. J'étais au seuil de la vraie croisade, de la première, de la dernière, de la seule, et destiné à proclamer ma mission propre et celle de ce peuple, je lui disais : « Venez avec