Page:Delluc - Monsieur de Berlin, 1916.djvu/18

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Claude le rompit en disant :

— Je parie que ça fait très « buste d’empereur romain ».

Il se mit à rire, Anna rit aussi, je lui mis les mains aux épaules en répétant :

— Ah ! mon vieux, mon vieux, mon frère…

— Assieds-toi, lui dit Anna, je veux t’embrasser.

Elle embrassa ses paupières clouées. Puis elle embrassa ses lèvres, amoureusement.

— Quand je suis parti, le 2 août 1914, dit Claude, je lui ai dit que nous nous aimions d’amour et qu’il faudrait, au retour, un mariage.

Je sentis leur bonheur m’envahir et faire ma pitié radieuse.

— Aujourd’hui, dit Claude, je veux… je veux que ce mariage ne se fasse pas.

— Mais je suis sa femme, dit Anna.

— Si tu savais comme je la vois bien, et toute, dit-il. N’est-ce pas qu’elle m’aime comme je l’aime ?

Et il tendit la main lentement vers Anna, trouva ses cheveux, son front, s’attarda sur ses yeux… Puis il la prit par la main et l’approcha de lui.

— Bouche d’Or, m’écriai-je en essayant de rire, Bouche d’Or, vous me faites bien plaisir d’avoir tant de bonheur.

— Je vous l’avais dit.