Page:Delly - Dans les ruines, ed 1978 (orig 1903).djvu/11

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velure brune. Il est heureux, et pour toujours… Et, si nous sommes bons et sages, nous irons le retrouver, un jour, mon Xavier.

— Oh ! moi, je veux bien ! déclara l’enfant en laissant retomber son visage dans les plis du cachemire sombre.

Un léger soupir s’échappa des lèvres de la jeune fille et, de nouveau, elle revint à la méditation mélancolique qui lui montrait l’angoissante incertitude d’une route inconnue, avec ses mystères, ses luttes, ses douleurs peut-être.

Alix de Sézannek avait conscience qu’une page de sa vie venait de se clore par la mort de son père…, page très unie, très douce, faite de bonheur simple et de joies religieuses. Une seule souffrance était venue l’assombrir momentanément, la mort de sa mère, arrivée trois ans auparavant après les tortures d’une incurable maladie. Alix, qui aimait tendrement sa mère, ne l’avait jamais entendue parler de son passé. Cependant le notaire recherchait sa famille, car M. de Sézannek n’avait plus aucun parent ; Alix restait seule avec ses deux jeunes frères et leur dévouée institutrice miss Esther.

Celle-ci, justement, s’approchait d’Alix.

— Vous voilà encore dans vos rêves, petite fille ! Je vous croyais plus raisonnable, ma chère.

— Oh ! je ne le suis pas du tout ! dit Alix en hochant la tête. J’ai tant de peine à me remettre au travail, miss Esther !… Et cette incertitude de savoir qui s’occupera de nous !…

— Voyons, mon enfant, ne vous mettez pas martel en tête… Le notaire, d’accord avec le docteur Sérand, a fait prévenir la famille de votre mère.

Les doigts d’Alix se crispèrent sur sa robe noire.

— Existe-t-il vraiment quelqu’un de ce côté, miss Esther ?

— Il y a tout lieu de le croire, ma chère enfant.