Page:Delly - Dans les ruines, ed 1978 (orig 1903).djvu/218

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Les feuilles mortes tourbillonnaient sur la vieille terrasse, s’envolaient au-dessus de la balustrade branlante et s’allaient éparpiller sur la petite grève, parmi les varechs et les débris laissés par le reflux. Quelques-unes, plus téméraires, atteignaient la vague dont la frange mousseuse baisait le sable du rivage, mais les petites folles, saisies par ce flot silencieux, se trouvaient ballottées, jetées de-ci de-là selon son caprice, jusqu’à l’instant où elles s’engloutissaient dans l’abîme liquide.

La mer était d’un bleu doux, teinté d’or pâle par le soleil déclinant. Le vent qui s’élevait gonflait ses vagues en jetant dans l’immensité sereine un prélude d’agitation. Des barques passaient, rapides, la voile blanche ou rouge à demi repliée, bondissant sur les flots moutonneux…

Et, sur la terrasse, comme quatorze ans auparavant, étaient assis Alix et ses frères… Alix, avec sa beauté de jeune sainte et ses grands yeux clos… Xavier, le saint-cyrien vif et gai… Gaétan en soutane, les cheveux rasés, mais non plus, comme alors, la révolte et l’orgueil dans le regard ; une indicible paix, un rayonnement mystérieux étaient désormais à demeure sur cette belle physionomie grave.

Sa main tenait celle d’Alix, et il lui parlait de sa récente visite à la Trappe, de ses entretiens avec Even, du surnaturel bonheur de ce cœur repentant, passionné de réparation, et dont la pénitence transportait d’admiration ses frères eux-mêmes.

— Oui, c’est bien ainsi que je l’avais pressenti, murmura Alix avec émotion. Aussi grand dans le repentir qu’il fut coupable dans le péché… Jamais, chez les Regbrenz, on ne fait les choses à moitié.

— Alors, moi, je n’en suis pas, dis, Alix ?… car tu prétends toujours que je ne fais rien de complet ! s’écria Xavier en appuyant câlinement sa tête sur l’épaule de sa sœur.