Page:Delly - Dans les ruines, ed 1978 (orig 1903).djvu/52

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personne !… Oh ! non, elle n’y est plus…Mathurine l’a sauvée encore…

Il se détourna et s’éloigna aussi précipitamment que le lui permettaient ses jambes affaiblies.

— Voilà un brave homme qui me paraît avoir le cerveau passablement dérangé, fit observer miss Elson. Allons, enfants, en route ! Ne faisons pas attendre vos grands-parents.

En entrant dans la maussade salle à manger, encore plus assombrie aujourd’hui grâce au ciel pluvieux, Alix ne vit personne autour de la table, mais, en dirigeant son regard vers l’une des profondes embrasures, elle aperçut un homme de haute taille…, l’inconnu qui l’intriguait si fort. Appuyé contre la fenêtre, les bras croisés, les sourcils froncés, il regardait entrer l’institutrice et les enfants… Tout à coup, comme s’il sortait de quelque songe, il passa la main sur son front et, sans quitter sa mine hautaine, s’inclina légèrement pour saluer miss Elson et Alix.

— Ah ! te voilà, Even !… dit la voix calme de Mme Orzal.

Elle apparaissait à la porte, suivie de ses parents. Sans répondre, celui qui était décidément Even de Regbrenz s’approcha de la table et s’assit à la droite de sa mère. La vieille dame le regarda d’un air demi-craintif, demi-joyeux, et sa main fluette se posa, l’espace d’une seconde, sur le bras d’Even, qui ne parut pas s’en apercevoir.

— Tu étais donc en mer, tous ces jours-ci ? demanda M. de Regbrenz en dépliant sa serviette.

— Oui.

Ce monosyllabe tomba, très sec, des lèvres d’Even, coupant court à tout essai de conversation. Son père et Georgina ne parurent aucunement s’en émouvoir, et le déjeuner se poursuivit dans un silence à peine coupé par quelques mots de Mme Orzal, aux-