Page:Delly - L ondine de Capdeuilles.pdf/181

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


176
L’ONDINE DE CAPDEUILLES


son âme. Il se disait : « Je n’ai qu’un mot à prononcer… un mot, et elle sera à moi. » Il s’imaginait alors la joie incomparable de cet amour, et le bonheur de Roselyne. Puis, brusquement, la réalité le ressaisissait. Il ne devait pas unir sa maturité désenchantée à cette jeunesse délicieuse, son froid scepticisme à cette ingénuité, à cette charité délicate, à cette pure ferveur de croyante. Il ne pouvait, sans déloyauté, accepter l’innocent amour de cette enfant dont il avait assumé, en quelque sorte, la tutelle, et qu’il avait recueillie sous son toit.

Mais il souffrait, jusqu’au plus profond du cœur. Ah ! comme il avait raison de se défier de l’amour ! Cependant il était venu, quand même, le terrible enchanteur. Il fallait donc le combattre. Et contre lui, l’absence, une très longue absence, paraissait la meilleure arme.

Mais comme ce serait dur de ne plus la voir, cette petite Rosey, pendant des mois, de longs mois !

Il la regardait, aujourd’hui, tandis qu’elle mangeait du bout des lèvres, et constatait avec une tendre pitié qu’elle avait pâli, que son visage s’était allongé. Il pensa : « Vraiment, il est temps que je parte. Ma pauvre petite chérie ! Elle m’oubliera un peu, elle reprendra sa jolie mine, à