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L’ONDINE DE CAPDEUILLES


race à part, même aux yeux inexpérimentés de Roselyne.

Mais surtout, elle avait senti chez ce parent hier inconnu une sympathie chaude, protectrice, qui lui avait donné pendant ces deux jours l’illusion de n’être plus aussi seule, entre ces vieillards — M. de Capdeuilles, le curé, Mme Geniès, les domestiques septuagénaires — qui formaient son entourage immédiat, et qu’elle sentait, instinctivement, prêts à lui manquer, dans la faiblesse de leurs infirmités ou dans l’abandon de la mort. La vigoureuse jeunesse d’Odon, l’énergique volonté de cette physionomie d’homme la pénétraient d’une sensation de sécurité, tandis qu’il était là. Maintenant, cette angoisse qu’elle éprouvait depuis quelques mois — depuis qu’elle voyait son aïeul plus malade — revenait de nouveau et la faisait frissonner de détresse.

Elle sursauta, au son d’une voix forte.

— À quoi rêvez-vous, Roselyne ?

Elle n’avait pas entendu venir M. de Veuillard. Il s’avança et la regarda curieusement.

— Hein ? vous pleurez ?… Parce que ce M. de Montluzac est parti ? Mais vous ne le connaissiez pas il y a deux jours, ce cousin-là !

Sa voix était un peu âpre, et ses narines larges palpitaient, signe, chez lui, de colère sourde.