Page:Delphine de Girardin - Poésies complètes - 1856.djvu/111

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« Il ne vous aime pas, lui disait-il, ma chère,
À tous ses beaux projets vous êtes étrangère.
Alfred a le cœur froid ; c’est un ambitieux
Qui ne languira pas longtemps pour vos beaux yeux. »

Ce jugement était injuste : au fond de l’âme,
Alfred était guidé par une noble flamme ;
Mais sous un fol orgueil ce feu s’était caché.
Des pleurs de Napoline Alfred était touché,
Il aimait sa candeur, sa bonté sans égales…
Ce qui n’empêchait point qu’elle n’eût deux rivales,
L’une pour le présent, l’autre pour l’avenir,
Deux succès différents qu’il savait obtenir.

La première, c’était la duchesse élégante
Dont nous avons déjà parlé, femme charmante ;
Regardez-la plutôt… Quel maintien gracieux !
Elle n’est point jolie, et le paraît aux yeux.
Sa beauté ne saurait supporter l’analyse ;
Mais elle est si coquette, et toujours si bien mise !
Son pied est moins bien fait, dit-on, que son soulier ;
Mais, devant lui, comment ne pas s’humilier !
Elle est très maigre, mais ces cascades de blondes
Imitent les contours des tailles les plus rondes.
Elle a fort peu d’esprit, mais partout elle en prend ;
Elle emprunte une idée, et jamais ne la rend.
À vrai dire, après tout, c’est une étrange femme,
Piquante sans gaîté, langoureuse sans âme ;
L’humeur capricieuse et l’esprit positif ;
Le ton impérieux et le regard plaintif :
Elle appelle langueur, sentiment vague et triste,
Le désenchantement de sa vie égoïste.
Elle fait sonner haut son amour pour les arts,