Page:Delphine de Girardin - Poésies complètes - 1856.djvu/133

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Morte, je régnerai sur son âme oppressée ;
Mon souvenir constant nourrira sa pensée.
Ah ! la douleur s’éteint ; mais, chez les gens d’esprit,
L’imagination jamais ne se guérit.
Son cœur est sec et froid ; mais sa tête est brûlante. »

En se parlant ainsi, Napoline, tremblante
Agitée, écrivait… hélas ! son dernier vœu.
Sur le papier tombaient des pleurs, des pleurs de feu,
Et l’on voyait passer sur son jeune visage
Toutes les passions, l’orgueil, l’amour, la rage ;
La colère du cœur, si noble en ses excès…

Puis la douleur revint plus calme après l’accès.
Elle essuya ses yeux, — acheva sa parure,
Attacha son manteau, demanda sa voiture : —
Et le pas des chevaux dans la cour retentit,
Et, comme pour un bal, légère, elle partit.

                                ――

Souvent elle venait seule ainsi chez ma mère,
Et sa femme de chambre, à sa vie étrangère,
Bien qu’il fût tard, la vit sortir sans s’alarmer.

Mais, je le sens, déjà vous allez la blâmer.
Le désespoir est mal compris d’un cœur tranquille.
Quelle horreur  ! direz-vous ; aller mourir en ville !
Chez un jeune homme encor ; cela ne se fait pas !
Ne pouvait-on choisir un plus noble trépas ?…

Que vous dirai-je, moi ? C’était de la démence.
Mai c’est toujours ainsi qu’un désespoir cornmence.
Le premier vœu d’un cœur qui souffre, c’est la mort.