Page:Delvau - Gérard de Nerval, 1865.djvu/133

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

127
GÉRARD DE NERVAL

nécessité, avait dû commencer par être une jeune fille appétissante…

Un homme entra, secoua son paletot couvert de neige, vint s’installer à une table voisine de la mienne, en face d’un petit verre. Puis il s’accouda, me regarda, regarda Mademoiselle, but son petit verre, et secoua la tête, — une tête intelligente, au front vaste, chauve, mais lumineux.

Je le regardai me regarder, et alors les paroles engourdies par le froid du dehors commencèrent à dégeler à la flamme de la causerie intime. Les heures passèrent ainsi, moi écoutant, lui parlant de choses qui devaient m’être chères, c’est-à-dire des dessous ténébreux de la grande ville dont j’ai l’honneur d’être un des enfants les plus inconnus, mais non les moins respectueux. Je me souviens, entre autres choses, qu’il me parla de Montmartre, qu’il avait longtemps habité, et d’une vigne romaine, la dernière du cru célèbre du temps de Julien, qu’il avait été sur le point d’acheter,