Page:Delzant - Les Goncourt, 1889.djvu/127

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion

De ces révélations est née Germinie Lacerteux, et les auteurs, empoignés par ce sujet, voulurent y introduire toute la somme de vérité dont ils se sentaient capables. Ce nom de Lacerteux, avec la désinence minable rimant à loqueteux qu’elle évoque, était resté dans l’esprit de Jules qui, à Brévannes, avait connu une vieille pauvresse qui le portait. Les auteurs placèrent l’enfance de Germinie dans les environs de Langres, non loin de Goncourt, où, eux aussi, avaient joué enfants. Le type de Germinie leur était familier. Ils l’accolèrent au type d’une vieille parente, Mlle de Courmont, emportée et patiente, bonne et dure en même temps, type admirable, dans sa brusquerie et sa franchise, des vieilles femmes, aux cœurs vivants, qui avaient conservé, à travers la Révolution, les traditions et l’esprit du dix-huitième siècle. Sous le nom de Mlle de Varandeuil, c’est une biographie littérale qu’ils ont écrite.

Jupillon et sa mère étaient leurs voisins d’en face. Tout fourmille de vie dans cette œuvre dont les auteurs ont été les premiers à souffrir. Au temps où ils y travaillaient, les deux frères écrivaient sur le cahier in-4o portant son millésime creusé au canif dans le carton, qui recevait chaque jour leurs impressions : « 12 novembre (1864). — Nous avons hâte d’en finir avec les épreuves de Germinie Lacerteux. Revivre ce roman nous met dans un état de nervosité et de tristesse. C’est comme si nous réenterrions cette morte… Oh ! c’est bien un douloureux livre sorti de nos entrailles. Même matériellement, nous ne pouvons plus le corriger, nous ne voyons plus ce que nous avons écrit : les choses du bouquin et leur horreur nous cachent les fautes et les coquilles. »

« 17 janvier (1865). — Notre Germinie Lacerteux a paru hier. Nous sommes honteux d’un certain état ner-