Page:Delzant - Les Goncourt, 1889.djvu/178

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daient non seulement l’histoire mais les dessous, la vie intime, le langage et le geste, leur fournit la trame d’une pièce qui fut, en même temps, une œuvre d’art et un acte de courage.

C’est ainsi que naquit Mademoiselle de la Rochedragon, titre primitif de la Patrie en danger, drame en prose, qui, de 1789 à 1793, concentre les plus graves événements de la Révolution française et met aux prises les caractères, les croyances, les sentiments les plus exaltés et les plus opposés. Ces cinq actes résument l’étude sur la société française par laquelle les auteurs, en 1854, avaient débuté dans l’histoire. On y trouve le même scepticisme politique, la même impartialité un peu dédaigneuse. En effet, malgré les paroles éloquentes qu’ils mettent dans la bouche de leurs aristocrates, malgré les belles folies de leur dévouement, leur mépris de la mort, les auteurs sont amenés à les montrer coupables du crime irrémissible d’avoir appelé l’étranger. Ici le drame prend l’âpre vigueur de la vérité historique vue de face, sans restriction et sans parure. Il ne s’agit pas d’un Lion amoureux ou d’un Chevalier de Maison-Rouge, de la Révolution servant de sauce à des galanteries fades, imaginées avec plus ou moins d’habileté. Ce n’est pas un drame historique ; c’est un drame pétri d’histoire. Elle domine et le peu qui n’est pas elle est relégué au dernier plan. Nous allons retrouver tous les Français des divers états : nobles, jacobins, douairières, philosophes, généraux, à l’appel des condamnés du dernier acte et Boussanel, qui ressemble tant au Cimourdain de 93, mais qui est né cinq ans avant lui, échangera sa dernière poignée de main avec le ci-devant et le jeune émule de Marceau, Perrier, qui a tenté vainement d’arrêter les excès de la Terreur. L’appel aux étran-