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son époque une image pittoresque et il en demeurera le témoin fidèle et l’historien. Paul de Saint-Victor qui l’avait connu, a dit de belles choses à ce sujet, dans le feuilleton qu’il écrivit pour le Moniteur universel du 7 juillet 1873. « Par une rencontre unique, la légende des planches de Gavarni a le relief de l’image. Elle y tient comme l’exergue tient à la médaille, empreinte dans le même métal, frappée du même coup. Le texte ne fait qu’un avec le dessin, il le concentre et il le résume, il en jaillit comme l’éclair et l’illumine d’une clarté subite. Conversation d’un temps sténographié au crayon, mots gros de pensées, effets instantanés du langage, traits soudains qui partent du caractère pressé au point juste de sa nature et de son ressort. L’esprit, les modes, les vices, les ridicules, les élégances, les folies, les conventions d’une époque y sont condensées, jugées, rédigées en un dialecte strident, où le marivaudage se mêle à l’argot, attique par la finesse, laconique par la concision. Gavarni a inventé le style lapidaire du pavé de Paris. »

Voici une lettre inédite qui fixe un point de détail dans l’œuvre de Gavarni. Elle est adressées à M. Mahérault.

24 mars 70.
Cher Monsieur,

Gavarni nous disait un soir : « Dans le temps de ma toquade pour le fantastique, j’ai fait une planche qui devait porter pour titre la Peine de mort. Philippon m’a pris cette planche, l’a fait recaler, et l’a donnée, dans la Caricature, sous le titre de Mlle Monarchie-Félicité-Désirée. » Ainsi, au dire de Gavarni, la planche serait de lui mais retouchée et un peu changée, je crois, dans les deux petites figurines près de la tête de la tripière.

Mon frère va un peu mieux, mais c’est un bien petit mieux. Je vous écris au reçu de votre lettre que je m’étonne de voir datée du 25. Je vous reporterai un de ces jours la Phrénologie de Gavarni.

Tout à vous,
E. de Goncourt.